Creully sur Seulles - Labourage et moralité les deux mamelles de l'agriculture du canton de Creully

Dimanche dernier, 7 octobre 1938, ont eu lieu à Creully, sous la direction de la

Société, le concours de labourage et la distribution des prix de moralité aux domestiques et aux servantes attachés à l’agriculture. Ce concours et cette distribution ont été faits avec une grande solennité et par le temps le plus favorable, dans un vaste champ mis à la disposition de la société par M. Gouet. On remarquait parmi les nombreux spectateurs, M.M. Turgot, pair de France; Delacour, membre du conseil général du département; Voisin, membre du conseil d’arrondissement, et les cultivateurs les plus distingués du canton. 
M. le prince de Monaco, qui saisit toutes les occasions d’être utile, avait mis à la disposition de la Société une charrue américaine et le semoir Hugues. La comparaison de ces instruments aratoires avec ceux du pays a été faite avec beaucoup d’attention et d'intelligence. Quelques cultivateurs en voyant manœuvrer la charrue américaine se sont déterminés à se la procurer. Cette fête agricole qui avait si bien commencé a été terminée par un banquet, et chacun en se retirant est resté convaincu de l'avantage de ces sortes de concours.

Discours prononcé par M. P.-A. Lair, au moment de la distribution des prix de labourage et de moralité dans le canton de Creully.
" Messieurs,
Chargé de diriger ce concours en l’absence de M. Joyau, président de la Société, qu’une indisposition empêche de se rendre à cette réunion, je me plais à vous exprimer toute la satisfaction que nous éprouvons en venant parmi vous et en remarquant les progrès qu’à fait depuis quelques années l’agriculture dans votre canton. Une noble émulation s’est établie parmi vos laboureurs, et c’est à qui d’entre eux l’emportera sur ses rivaux par la bonne direction donnée à sa culture. De tous côtés, les prairies artificielles sont adoptées; l’emploi des engrais est bien entendu ; la routine disparait insensiblement ; les jachères sont entièrement abandonnées et les récoltes devenues abondantes vous procurent l'aisance et contribuent à votre bonheur. La betterave qui présente tant d’avantages pour la nourriture des bestiaux et pour la fabrication du sucre, s'est propagée en peu de temps dans vos champs.
Aussi, la première médaille que la société a décernée pour cet objet a-t-elle été obtenue par un fermier habitant ce canton, M. François Lecoq, du Fresne-Camilly. C’est encore dans une de vos communes, à Secqueville, qu’a été établie, avec succès, par MM. Lecomte frères, la première fabrique en grand de sucre de betteraves qu'on ait remarquée dans le département. On se plaignait depuis longtemps que l’art de moudre le grain qui a fait des progrès dans plusieurs autres parties de la France, restât stationnaire dans l’arrondissement de Caen,  une bluterie formée par les procédés les plus ingénieux, vient d'être créée à Creully même et ne laisse rien à désirer par sa perfection.
Enfin des routes et des chemins de grande communication accédant à deux villes importantes et à un port de mer, facilitent la circulation des produits de l'agriculture et du commerce et font de ce canton un des plus heureusement situés du Calvados.
M. le prince de Monaco qui habite le département et qui s’y fait remarquer par ses bienfaits et ses bonnes pratiques en agriculture, a bien voulu mettre à notre disposition une charrue américaine et un semoir Hugues. Ces instruments aratoires, ont fonctionné sous vos yeux, et en comparant à la récolte prochaine les produits de la terre ensemencée par les procédés nouveaux, avec ceux des champs voisins, vous serez à portée de reconnaître, Messieurs, combien, en particulier, l’instrument de M. Hugues, présente d’économie dans la semence et d’abondance dans la récolte.
On a dit que les cultivateurs seraient heureux, s'ils savaient apprécier leur bonheur. Mais, on devait ajouter que le véritable bonheur consiste dans la moralité. C’est pour favoriser ce précieux soutien de l’ordre social qu’un membre de notre société et du conseil général du département, M. Delacour, a voulu consacrer, à ses frais, un prix pour récompenser les serviteurs et les servantes de ferme fidèles à leurs devoirs ; ces êtres estimables, qui pendant de longues années, ont donné des preuves constantes d'attachement à leurs maîtres et de dévouement dans l’exercice de leurs travaux, souvent pénibles. Qu’aujourd’hui leurs vertus modestes paraissent avec éclat et que leurs noms sortis de l’obscurité soient proclamés devant celle réunion nombreuse, composée de personnages distingués par leur rang et leur mérite ; au milieu d'hommes de toutes les classes qui ont voulu prendre part à cette fête de l’agriculture. Puisse, Messieurs, leur exemple trouver de nombreux imitateurs dans vos belles et riches contrées"